Camp des Russes
 

La Cabane du Negus

L'ermite des Hautes-Fagnes

 
 

Xhoffraix a eu aussi son « Négus »

Donnons à ce dernier son vrai nom au lieu de ce sobriquet que son ornement facial lui a valu.

Il s'appelait Léon Rinquet et était docteur en sciences physiques et mathématiques.

Léon Rinquet est venu à Xhoffraix en 1935, aprés avoir été durant plusieurs années
professeur d'athénée.Liégeois de naissance, il avait perdu sa mère qu'il chérissait par dessus tout, et —seconde raison de fuir le monde— il n'avait pas voulu accepter la mutation que lui imposait le ministre de l'instruction publique, alors qu'il professait dans le Namurois.

Il choisit la solitude de la fagne qu'il connaissait déjà très bien pour l'avoir parcourue avec des amis.
Avec deux de ceux-ci, il conçut le projet d'ouvrir un abri pour vrais fagnards.

L'idéal était de trouver un endroit pas trop éloigné mais cependant en pleine fagne. Après bien des recherches, Léon Rinquet jeta son dévolu sur « le Fraineu », entre la route de Hockai et le ru des « Trôs Marêts ». L'exposition était parfaite, le panorama grandiose.

Fagne du "Fraineu"

A droite les forêts du « Duzos Moupa », au loin, les lignes voilées de brume bleutée des
sapinières longeant la Warche, de Walk jusqu'à Chôdes.

Léon Rinquet avait de l'enthousiasme et avec ses amis il fit construire une longue et
solide cabane en bois, avec toit de chaume. Il capta les eaux du ru qui coulait à proximité
et envisagea même d'en utiliser la chute pour l'éclairage de son home.

La cabane du « Fraineux » connut bientôt un grand écho, malgré et peut-être à cause de l'hostilité des Amis de la Fagne qui craignaient voir s'installer d'autres « ermitages ».

Le futur hôtelier barbu cherchait à former un petit ilot de vrais fagnards. L'aspect du local
avait été conçu de façon à ne suggérer que les conditions essentielles et primitives de la
vie humaine. Le décor s'harmonisait avec l'âme du fagnard. L'inauguration s'annonçait.

cabane du Negus

La première cabane du Negus en 1936 / 1937

Hélas ! Le 26 août 1937, un orage éclatait, la foudre tombait sur l'abri au toit de chaume,
qui flamba comme une torche. Ce fut un coup dur pour le Fagnard. Sa cabane, toute sa fortune, était anéantie.

Encouragé par des amis, il reconstruisit son abri, mais plus sobrement. Il lui donna une
forme aérodynamique. Et les "broussards" réapparurent. Quand la guerre survint... Léon Rinquet chercha asile à Hockai. Devenant une cible pour les exercices de tir des Allemand, la cabane subit le sort de la première.

Après la guerre, Léon Rinquet, sans ressources, se partagea entre fagne et les leçons particulières qu'il donna à Xhoffraix.

Il n'avait pas perdu espoir de réédifier son abri. Ayant obtenu des avances sur les versements de dommages de guerre, il releva une troisième fois le baraquement dont la couverture, dans l'aire des vents dominants, descendait jusqu'au sol.

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Un second abri en 1947

La toiture protégée par un carton bitumé reçut un revêtement en gazon. Dans le fond, c'était la litière aménagée avec de vieilles couvertures jetées sur la paille. Un poêle antique se rouillait à l'entrée et une lampe à pétrole reposait sur une étagère.

Et au fur et à mesure qu'il avançait en âge, il séjournait dans cet abri pour ne le quitter que durant l'hiver où il trouvait refuge à Xhoffraix.

Mais pourquoi donc lui avoir attribué ce sobriquet de Négus?

Camp des Russes

Léon Rinquet l'avait hérité parce qu'il ressemblait physiquement au Roi des Rois, mais aussi parce qu'un jour, des Malmédiens avaient voulu jouer une farce en accueillant le Négus de la Fagne à la gare, et solennellement en le faisant passer pour le chef de l'Etat éthiopien ! Mais Léon Rinquet refusa la comédie.

En 1973, Léon Rinquet, miné par la maladie, dut accepter les soins que nécessitait son état et que lui prodigua avec beaucoup de sollicitude la famille Gerson de Xhoffraix.

Il mourut le 12 juin 1974 à l'âge de 83 ans et fut enterré au cimetière de Xhoffraix où la
population locale lui fit ériger une stèle.


 

Histoire du Negus selon Jean Brasseur http://www.lavenir.net/extra/static/images/logo/lab-avenir-48x13.gif

 

 

" Avec le temps (qui passe), qui se souvient encore de Léon Rinquet, le dernier ermite de la fagne du Fraineu, près de Xhoffraix ?
Tout n'est pas négatif. Ainsi, si vos escapades vous entraînent du côté de Xhoffraix (Malmedy) arrêtez-vous au cimetière du hameau. Il est à deux pas de l'église Saint Hubert. À gauche et aux deux tiers de la nécropole, recueillez-vous un instant sur la tombe de Léon Rinquet.

Rinquet, c'est un personnage. Le dernier du genre puisque, aujourd'hui, on voit mal un quidam prendre son baluchon pour s'isoler, en y vivant, dans la lande fagnarde. Pourtant, c'est l'aventure vécue par cet éminent professeur de mathématiques liégeois.

Inopinément, Léon perd sa maman. C'est un choc qui le bouleverse. Sans crier gare, l'intellectuel qui est né en 1 891 vend la maison de la Cité Ardente quatre hectares de landes dans la fagne du Fraineu.

Sans se presser, solitaire, il s'installe et vit de peu. Il construit, rondin par rondin, une cabane rudimentaire, se lave de temps en temps et laisse pousser la barbe.

Sur sa tombe, une photo récupérée dévoile un Rinquet qui fait, avec son béret, plus penser à l'abbé Pierre qu'au Négus. À l'époque pourtant, le professeur reconverti en ermite laïc prend le sobriquet de l'empereur des empereurs.

Dans sa cabane rudimentaire, le Négus poursuit ses recherches mathématiques. Il reçoit aussi, ce qui peut paraître anachronique, mais il aime discuter et nombreux sont les artistes qui chaussent les bottines pour rejoindre les installations d'un Rinquet très ami avec Henri Koch, le célèbre violoniste liégeois.

La vie n'épargne pas l'isolé. Au deuil familial, s'ajoute un coup funeste d'une foudre qui frappe la cabane, la réduisant en cendres. Qu'importe ! Léon retrousse les manches et reconstruit son palais en respectant le côté rustique imposé par l'environnement fangeux. La guerre éclate quand le gîte se termine. Manque de bol, les Allemands en manoeuvres sur leurs terres annexées tirent au mortier et, rebelote, la cabane du Négus devient cible de tirs permanente.

Fatigué, Léon Rinquet abandonne son lopin fagnard et se réfugie à l'auberge des Amis de la Nature de Hockai (Stavelot aujourd'hui). On raconte qu'un laid matin, les Allemands investissent le refuge. Ils contrôlent le Négus pour constater, non sans surprise, que le quasi-clochard à la barbe fleurie est un « Herr Doktor » aux capacités surdéveloppées.

À la libération, le Négus n'a que 54 ans mais les épreuves l'ont perturbé. Il devient de moins en moins nomade, de plus en plus sociable, se rapproche des Xhoffurlins qui l'adoptent. Il reconstruit quand même sa cabane qui ne sera jamais terminée. En cours de construction, une neige subite écrase le toit de tôles et réduit à quasi rien le fragile édifice.

Le Négus abandonne. Il rejoint Xhoffraix où il est pris en charge par des amis sincères. Le dernier ermite des fagnes meurt, après une longue maladie, à la clinique de Malmedy le 12 juin 1974. Il avait 83 ans !

" fausse"cabane du Negus

Et la cabane ? Disparue, démolie, quasi oubliée. La fagne de Fraineu, dite aussi du Négus, est aujourd'hui réserve naturelle. Inviolable. Et bien moins que demain ! "

Jean BRASSEUR

http://www.lavenir.net/article/detail.aspx?articleid=38949115

 

La "Fausse" Cabane du Negus

 

 
 

" fausse"cabane du Negus

La "Fausse" Cabane du Négus: cliché de Jean-Marie Doppagne

" Le cliché de Jean-Marie Doppagne, fidèle lecteur de Battice (Herve), dévoile notre interlocuteur photographié, avec son chien, devant une cabane en moellons. La photo date de 1993 et l'on peut lire, au fronton, le millésime de son édification, soit MCLMXXXIX qui, des chiffres romains en arabes courants, doit être... 2099. Le L, mal placé, décalé avant le premier X, livre un 1989 plus correct.

Mais encore? Chez les Gerson, à Xhoffraix, qui ont bien connu Léon Rinquet (où il a été hébergé à la fin de sa vie), dit le Négus, on se souvient d'avoir entendu dire qu'il y avait en fagne du Fraineu une construction bizarre survenue dans la lande bien après la disparition de l'ermite liégeois (1974). Mais Roger et son épouse n'ont pas été voir.

La mémoire de Francorchamps, Guy Parmentier, étant hors pays, il reste à contacter le district malmédien du département Nature et Forêts qui gère la fagne de Fraineu. «Le mieux, nous dit-on dans la cité du Cwarmê, est de poser la question à Michel Letocart, l'ancien chef aujourd'hui pensionné mais qui sait tout .»

Bien joué! Michel Letocart se souvient de cette cabane surréaliste faite de bric et de broc. «Si mes souvenirs sont bons, précise l'ancien directeur de district, la propriété de Léon Rinquet a été rachetée par un Bruxellois, lequel se déplaçait au Fraineu de temps en temps. Il construisit ce cabanon en grosses pierres puis il disparut de la circulation. Évidemment, la drôle de cabane fut squattée. Comme la parcelle, acquise je crois par les Amis de la Fagne, entrait dans le périmètre de la réserve naturelle, il fut décidé de la démolir. De toute façon, elle n'avait rien à voir avec la hutte du Négus, la cabane ayant été entièrement détruite en août 1937 par la foudre .»

À propos de Léon Rinquet, né à Liège le 19 juillet 1891 et décédé le 12 juin 1974 à la clinique de Malmedy, épinglons l'étude réalisée par Thierry Schmitz de Francorchamps (Stavelot) et éditée dans la revue Hautes Fagnes de juin 1983. L'assureur de la route de Spa explique, photos de Léon Halleux à l'appui, la progression du bâti dans la lande avec, en finale, 30 mètres de façade.

L'auteur épingle aussi un épisode méconnu du Négus. Au début de la guerre, raconte Thierry Schmitz, Léon Rinquet fait passer la frontière à un Niçois qui devint promoteur immobilier. Évadé de Düren, épuisé, le prisonnier français échoue dans le Fraineu et, complètement désorienté, reprend la direction de l'Allemagne quand le bon Négus le croise, l'héberge et l'accompagne à la frontière luxembourgeoise. En 1952, et il a 61 ans, le Fagnard rencontre son ami sur la Côte d'Azur. Il retourne plusieurs fois dans le Midi et se lie d'amitié avec l'écrivaine provençale Marie Mauron. Son amie vient le voir, à Xhoffraix, en novembre 1973, sept mois avant son décès. Elle édite «Fagne et Camargue, terres de sortilèges» qui sert de toile de fond à une émission télévisée de la RTB (sans F à l'époque) où Léon Rinquet est mis à l'honneur. Quasi posthume mais à l'honneur quand même! "


http://www.lavenir.net/article/detail.aspx?articleid=39215817

 
 

 

" Depuis la parution, à la mi-août, d'un papier consacré à Léon Rinquet, dit le Négus, nos lecteurs alimentent le chapitre fagnard.
Mort il y a plus de 35 ans, Léon Rinquet, dit le Négus, reste présent dans la mémoire de nombreux Fa gnards. Certains l'ont fréquenté. D'autres se souviennent de la balade, juste après la disparition de l'ermite du Fraineu, qui menait aux ruines d'une espèce de hutte bricolée de bric et de broc. Il est aussi des études et nous avons évoqué, la semaine dernière, l'approche littéraire réalisée par Thierry Schmitz, l'agent immobilier de Francorchamps (Stavelot), un travail édité dans la revue Hautes Fagnes de juin 1983.

Un lecteur de Battice, Jean-Marie Doppagne, nous a envoyé une photo (de lui et de son chien), instantané en couleur saisi en 1993 devant une cabane en moellons dite du Négus. Dans notre édition du vendredi 3 décembre, en interrogeant l'ancien directeur du district des Eaux et Forêts de Malmedy, nous avons évoqué l'achat de l'ancienne propriété du Négus par un Bruxellois, l'édification d'un cabanon qui, abandonné et squatté sans retenue, a été démoli, le domaine entrant dans la réserve naturelle protégée. Et voici que Charles Vlecken réagit à son tour. Déjà, il nous avait contactés l'été dernier pour rappeler l'amitié ayant existé entre son père, André, et Léon Rinquet. André Vlecken, le papa du Jalhaytois (pensionné, ancien agent de police à Verviers) fut un grand monsieur du tourisme de masse. Conseiller général pour le Touring Club de Belgique, il écrivit de nombreux articles de vulgarisation, un roman aussi, des guides de promenades et il publia, après la guerre, des reportages dans Le Jour dont il fut, aussi, un correcteur apprécié.

«J'ai retrouvé des photos de mes parents, André, mon père, et Elvire, ma maman, alors qu'ils étaient reçus dans la cabane du Négus, au Fraineu, explique Charles Vlecken. C'était en 1937, en août 1937 comme indiqué au dos de la photo en noir en blanc. On reconnaît le Négus au deuxième rang. C'est le barbu. Mon père est le 5e à sa droite et maman est à l'avant-plan. On distingue aussi, à côté, ma soeur aînée, Liliane, sur les genoux d'un ami. Elle avait 5 ans à l'époque ». Trois quarts de siècle plus tard, la photo conserve ses dégradés d'origine. Et si le support s'est forcément fatigué au contact de la lumière, il témoigne de l'importance architecturale de ce bâti perdu dans une lande. Faut-il rappeler que le refuge, appellation retenue par les Eaux et Forêts, courait sur 30 mètres de façade à la manière des isbas russes : murs en rondins surmontés d'un toit en chaume.

Détail : sur la photo, on distingue des fenêtres béantes. Quand la famille Vlecken rend visite au Négus, le 8 août 1937, la cabane n'est pas entièrement terminée. Elle le sera fin août après le coup de main de trois amis de toujours, Jean et Hubert Bodarwé, aidés par Joseph Dehottay, tous de Xhoffraix. Ceci explique cela et le sentiment d'une construction... à l'abandon. Une cabane à peine finie incendiée par la foudre en septembre de la même année 37! Tout a flambé en moins de 20 minutes. "

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